Voyage littéraire de la semaine : « La Belle Amour humaine » de Lyonel Trouillot


Cette semaine, je vous emmène en Haïti pour un voyage littéraire avec le livre de Lionel Trouillot « La belle amour humaine« . Lyonel Trouillot, romancier et poète, intellectuel engagé, est né en 1956 à Port-au-Prince où il vit actuellement.

Un roman, publié en 2011, qui repose en grande partie sur le monologue initiatique et poétique de Thomas, chauffeur de taxi et guide qui accueille, à l’aéroport, Anaïse, une jeune Française venue en Haïti sur les traces de son père, et de son grand-père paternel Robert Montès. L’homme d’affaires fut retrouvé mort dans l’incendie de sa maison, qui brûla en même temps que celle de son meilleur ami et voisin, le colonel André Pierre, lui aussi disparu. L’enquête menée à l’époque laissa l’affaire non élucidée. Anaïse veut comprendre, pour éclairer le destin de son père, parti d’Haïti au lendemain du drame pour ne plus y revenir.

Le chauffeur la conduit dans le village de l’Anse à Foleur, un village dans le nord du pays, où les habitants vivent en complète empathie, situé à 7 heures de route de Port-au-Prince durant lesquelles Thomas n’arrêtera pratiquement pas de parler. Une véritable initiation à la vie et la survie, en Haïti, entre bruit et silence, riches et pauvres, blancs et noirs, puissants et serviteurs … Ces différences explosent dans une écriture dense et rythmée, mais aussi poétique, qui les fait apparaître peu à peu au cours du récit sous la forme d’un long monologue du guide auquel Anaïse tentera à son tour de répondre, « J’aimerais écouter et comprendre. »

J’ai trouvé ce livre époustouflant de vérité par rapport au ressenti que j’ai eu lors de mes trois séjours en Haïti. Lyonel Trouillot sait parfaitement utiliser toutes les possibilités qu’offre la langue française : les mots, les rythmes, les suggestions de sentiments, la poésie… L’exemple le plus frappant est celui de sa description de Port-au-Prince par des phrases courtes faisant ressortir le bruit qui résonne dans la tête, l’animation, les contradictions, etc. Je revois la première fois (en 1981) où je suis arrivée, en tant que géographe, dans cette ville, dont je ne peux pas m’empêcher de citer un extrait de l’auteur :

« Attends de voir le centre-ville. Il nous faudra le traverser, patauger dans le bruit jusqu’à la gare du Nord. Les étrangers souvent y perdent leurs oreilles (…)Les pots d’échappements. Les crieurs qui marchandent tout, des élixirs aux antibiotiques en passant par les crèmes éclaircissantes et les pilules qui font grossir. Les porte-voix des fonctionnaires de la santé publique qui vantent les vertus du lait maternel et du lavage des mains. Nul ne peut écouter tant de bruits en même temps, qui s’opposent, se contredisent, te crèvent les tympans pour fourrer dans ta tête l’illusion du mouvement.(…) Au centre-ville, le bruit c’est comme la pauvreté, on n’en a jamais fait le tour« .

Il a également cette magnifique phrase qui en dit long : « Une voix qui raconte, c’est plus vrai qu’une photo. » Dans la seconde partie du livre, Anaïse répond à sa façon également par un monologue, mais beaucoup plus court … Je vous recommande vivement la lecture de ce livre qui ouvre les yeux, je suppose, à ceux et celles qui ne connaissent pas Haïti. Chaque fois que j’y suis allée, j’ai écouté les histoires, j’en ai raconté, j’ai commencé à comprendre, un peu plus à chaque fois et alors je me suis posée encore plus de questions, auxquelles je n’ai pas encore eu toutes les réponses… On ne sort pas indemne d’un séjour en Haïti…et la véritable question reste toujours, comme jusqu’au bout de ce récit : « quel usage faut-il faire de sa présence au monde ? »

Auteur : marie sophie

Géographe à la retraite. Photographie, Lecture, Ecriture, Peinture, Musique, Jardinage, Création, Art et Architecture sont mes plaisirs et mes passions. Je partage mes expériences, mes envies et mes activités.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.